Réflexions

En donnant un nom à son enfant et en lui écrivant une lettre, Cécile a passé une étape dans le deuil.



c’est lors du parcours à AGAPA que nous, les femmes du groupe, sommes invitées à donner un prénom à notre enfant perdu. Je décide de l’appeler Jean-Baptiste et de lui écrire une lettre, comme on nous le demande dans le parcours. En lui donnant un prénom, nous lui donnons une identité qui est personnelle et unique. « Un prénom est une force endormie posée sur le crâne du nouveau-né ». Les personnes ressemblent à leur prénom, qui va les guider et les orienter tout au long de leur vie. Il existe, il peut enfin prendre sa place : il est reconnu et ré-humanisé. Le fait d’appeler son enfant par son prénom, au lieu de parler « du bébé » ou d’employer le mot : « mon avortement », vient combler un manque. La maman connaît toujours le sexe de son enfant en sachant si c’était un petit garçon ou une petite fille.

J’ai écrit une lettre à mon enfant que j’ai prénommé Jean-Baptiste :

« Mon Petit Jean-Baptiste, mon enfant,

Cela fait un bon moment que je voulais t’écrire cette lettre, car j’ai beaucoup de choses à te dire. Elle est comme un premier rendez-vous d’amour.

 Je tiens tout d’abord à te demander pardon pour mon acte si terrible de ton avortement, pour la souffrance horrible que tu as ressentie à ce moment-là. Je sais qu’il n’y a pas de mots pour le dire. Dieu seul est témoin de l’horreur que nous t’avons fait subir. Alors que mon sein maternel aurait dû être pour toi un sanctuaire qui était un nid, un cocon, s’est transformé en lieu de souffrance et de souffrance. Pardon, pardon, mille fois pardon !

Juste avant d’avorter de toi,  j’ai éprouvé le besoin de poser une dernière fois avec tendresse mes mains sur mon ventre. Ce geste en disait long sur mon désir de maternité… J’aurais aimé qu’on me le laisse juste un tout petit peu mon bébé !

En sortant de la salle d’intervention, je n’ai plus osé toucher ce ventre qui était devenu un tombeau : la mort était entrée en moi et n’allait plus me quitter pour longtemps. Plus tard, au moment où tu aurais dû naître, les pompiers m’ont emmenée à l’hôpital psychiatrique.

Je n’ai pas pu te dire au revoir au moment de notre séparation et sans le savoir, j’avais plein de choses à te dire, comme je suis en train de le faire ici. Maintenant, je voudrais que nous puissions partager tous les deux des moments d’intimité avec beaucoup de tendresse que seule une maman peut donner

Je voudrais que ces deux mots «maman et bébé» deviennent vivants pour moi et pour toi.

En 1991, des amis orthodoxes m’ont aidée à te donner ton prénom, ainsi, grâce à cela, pour moi tu n’as plus été une « âme errante » et tu as pu prendre ta juste place en étant réhabilité. Plus tard, je t’ai donné un deuxième prénom : Olivier.

Si tu avais vécu, peut-être t’aurais-je fait un petit coin dans mon deux pièces, pour que tu puisses avoir ton petit lit, tes jouets, tes peluches. Comme j’aurais aimé t’apprendre à lire (avec la méthode de lecture syllabique d’Annette), à écrire et à compter moi-même, je sais que je t’aurais donné un enseignement de qualité. Comme j’aurais aimé être pour toi un soutien affectif, spirituel, matériel pour ton avenir ! Il y aurait aussi eu entre nous de très bons moments, des petits câlins, des bisous, des jeux, des chants, des galipettes, de la joie.

Récemment, lors d’un rêve, j’ai vu apparaître ton beau petit visage qui me souriait avec amour. J’ai entendu pour la première fois le son de ta voix cristalline et joyeuse, qui me disait que tu étais mon petit garçon, que tu m’aimais, que tu étais heureux là où tu es désormais et que tu allais bientôt pouvoir m’aider à m’en sortir, en restant toujours à mes côtés. Je me rappelle que tu m’as alors envoyé un baiser très affectueux, en même temps que des rayons d’amour lumineux et ce fut un baume céleste pour mon âme.

Je te demande, mon petit Jean-Baptiste, comme je te l’ai souvent demandé,  de m’aider, en me faisant sortir de la détresse affective dans laquelle je me trouve depuis tant d’années.

Ta maman qui pense toujours très fort à toi et qui t’aimera toujours.

Je t’embrasse tendrement.

Cécile.

Il n’est peut-être pas inutile de dire ici combien la lettre à mon bébé a été un soulagement.

La maman est invitée à parler dans sa famille de ce bébé qui était souvent inconnu. Elle a alors l’assurance que la famille est au complet. Le vide qu’elle ressentait dans son cœur commence à se combler.

Si leur enfant avait vécu, il ou elle aurait été doté d’une personnalité, d’un aspect extérieur et de talents uniques. Pouvoir imaginer ce qu’aurait pu être l’avenir de cet enfant. Le ré-humaniser : son prénom (le chercher dans une autre personne qui porte le même), imaginer son visage, sa stature, son caractère, ses dons, etc.), il est plus facile à la maman d’accomplir le travail de deuil.

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